La pédagogie de l'alternance, des clés pour la développer efficacement

Face à la croissance exponentielle des contrats d'alternance dans le secteur industriel, comment s'assurer du développement d'une pédagogie de l'alternance de qualité ? Éclairage avec Solveig Fernagu, directrice de recherche en sciences de l'éducation et de la formation.

Bien que de nombreux indicateurs [ 1 ] existent pour rendre compte de la qualité de l'alternance, ils ne disent “rien de la spécificité des processus de formation et orientations pédagogiques à l'œuvre", analyse l'équipe du Linéact Cési[ 2 ], sous la coordination de Solveig Fernagu, directrice de recherche en sciences de l'éducation et de la formation[ 3 ]. En novembre 2022, suite à une étude lancée par l'Observatoire des compétences de la métallurgie, cette équipe a publié un guide interprofessionnel sur la pédagogie de l'alternance. Il a pour objectif d'éclairer les acteurs de la formation sur ce qu'est une pédagogie de l'alternance[ 4 ] et sur sa mise en œuvre, dans le but d'améliorer les pratiques pédagogiques.

Le guide s'articule autour de trois fiches “but" (les finalités d'une pédagogie de l'alternance) : employabilité, compétence, autonomie ; et de trois fiches “moyen" (les voies possibles de la mise en œuvre des finalités) : réflexivité, accompagnement et individualisation. Ces fiches ont été conçues à partir de témoignages d'expériences et s'appuient sur des faits scientifiques. Elles permettent d'apprécier les buts et les moyens de toute pédagogie de l'alternance qui se voudrait professionnalisante, de réfléchir ses propres pratiques d'alternance – actuelles ou futures. Dans cet article, nous aborderons la fiche sur l'accompagnement, afin de remettre en lumière l'importance des relations humaines dans tout projet de formation.

Une relation d'accompagnement…

Afin d'engager la relation d'accompagnement – entre le tuteur, le formateur et l'apprenant – en amont du démarrage de la formation, l'équipe de Solveig Fernagu a identifié quatre clés de réussite. La première : identifier les motivations des apprenants à l'entrée en formation, notamment lors de l'entretien de motivation, afin d'anticiper les besoins particuliers d'accompagnement. Deuxième clé : impliquer les différents acteurs de l'alternance dès la phase de recrutement des alternants pour susciter l'engagement de chacun à l'égard de la formation de ces derniers. Troisième clé : favoriser une bonne relation entre les formateurs et les maîtres d'apprentissage qui en retour peut induire des relations de qualité entre les maîtres d'apprentissage et leurs alternants. Enfin, quatrième clé : identifier les acquis – voire valider les prérequis – que possèdent les alternants, pour positionner les actions d'accompagnement didactique nécessaires : “Si on ne s'intéresse pas à ce que sait faire un jeune, c'est difficile de l'intéresser à ce qu'il va faire chez nous", témoigne un maître d'apprentissage de l'étude. L'accompagnement porte tout à la fois sur les moyens, les processus et les contenus de l'apprentissage.

… centrée sur l'apprenant

Une fois engagée, la relation d'accompagnement doit être soutenue tout au long de la formation. Après avoir instauré les bases d'une relation de confiance dès l'entrée en formation, en s'appuyant notamment sur les clés, il s'agit ensuite de déployer un accompagnement centré sur l'alternant, ses processus d'apprentissage et non pas uniquement sur ses résultats. Enfin, il est utile de mobiliser les outils de liaison et de bilan – propres à la pédagogie de l'alternance. Certes, ils sont réglementaires mais ils peuvent également se doter de fonctionnalités particulièrement capacitantes : renforcer par exemple le sentiment d'efficacité personnelle des alternants ou/et maintenir leur motivation, en leur permettant de prendre conscience de leurs apprentissages et de leur évolution.

 Des systèmes de ressources capacitants

L'équipe de recherche a identifié l'importance de “penser des systèmes de ressources qui soient capacitants pour les apprenants" (qui mettent en capacité d'apprendre), mais également pour les accompagnants (qui mettent en capacité d'accompagner). Du côté des apprenants, il s'agit, par exemple, de “construire le sens des ressources d'apprentissage", de leur permettre de repérer celles qui pourront leur être utiles, et mobilisables au regard des situations et des problèmes qu'ils rencontrent. Du côté des accompagnants, il faut “s'assurer de leur niveau de compétences" (car, selon le témoignage d'un formateur, “connaître son métier est une chose, le transmettre en est une autre") ; et mettre à leur disposition des démarches structurées et des outils d'accompagnement pour les soutenir dans leurs activités.

La documentation (programme, objectifs, carnet de bord, livret de suivi), le temps et les lieux dédiés (planning, salles) et la contractualisation des engagements réciproques (contrat d'alternance, de mission), par exemple, “constituent des outils indispensables pour construire la mise en lien des espaces de la formation (l'entreprise et le centre de formation)". Ils facilitent l'accompagnement.

Source : Centre Inffo - 30 01 2025